Page:Lemaître - Les Contemporains, sér4, 1897.djvu/316

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

  Dans mon rêve éternel flottent sans fin les cieux ;
  Je vois naître en mon sein et mourir tous les dieux.
  C’est mon sang qui coula dans la première aurore…

De même, l’idée de l’univers sera toujours présente au poète bouddhiste quand il lui arrivera d’aimer une femme. Il aimera magnifiquement : car la nature entière lui fournira des images pour exprimer son amour. Il aimera avec sensualité et langueur : car il ne voudra goûter l’amour qu’aux lieux et aux heures qui le conseillent et l’insinuent, dans les parfums, dans les musiques, dans la douceur et la mélancolie des soirs tièdes. Il aimera avec tendresse et reconnaissance : car il n’ignore point que c’est la rencontre d’une femme qui a embelli pour lui le rêve des choses. Il aimera avec résignation : car il sait bien que ce n’est en effet qu’un rêve, et qui passera. Il sait aussi que l’amour est inséparable de la mort, parce que la mort est inséparable de la vie…

Et maintenant lisez les Chants de l’Amour et de la Mort :

  Je voudrais te parer de fleurs rares, de fleurs
  Souffrantes, qui mourraient pâles sur ton corps pâle.
 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
          Tu fermes les yeux, en penchant
          Ta tête sur mon sein qui tremble :
          Oh ! les doux abîmes du chant
          Où nos deux cœurs roulent ensemble !
 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
  Notre rêve avait fait la beauté de ces choses…