Page:Lemaître - Les Contemporains, sér4, 1897.djvu/35

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bien qu’il l’exprime le plus souvent avec une insupportable affectation, je le crois, je le sens sincère. C’est vraiment une âme née malheureuse, tourmentée de désirs toujours indéterminés, toujours inassouvis, toujours douloureux. Cet homme, si peu simple — en apparence, — si obscur dans ses idées, si préoccupé d’étonner et de mystifier les autres, m’eût immensément déplu, j’imagine, à une première rencontre. Mais j’aurais bientôt découvert que le plus mystifié et le plus étonné de tous, c’était encore lui. Sa personne m’aurait sûrement intéressé, et probablement séduit à la longue. Ce qu’on ne peut certes lui refuser, c’est d’avoir été un Inquiet. Il a eu, au plus haut point, ce qui a manqué à de plus grands que lui : le sentiment, le souci et souvent la terreur du Mystère qui nous entoure…

Chose inattendue : vers la fin de sa vie, de sa pauvre vie si sombre où la débauche morne et appliquée, puis l’opium, le haschich, et, enfin, l’alcool, avaient fait tant de ravages, son catholicisme si peu chrétien, son catholicisme impie et sensuel, celui des Fleurs du mal, semble s’épurer et s’attendrir, et lui descendre, — ou lui remonter, — dans le cœur. Il a honte de lui ; il a des idées de conversion, de perfectionnement moral. Il écrit : « À Honfleur ! le plus tôt possible, avant de tomber plus bas… Que de pressentiments et de signes envoyés déjà par Dieu, qu’il est grandement temps d’agir !… » Et ses notes intimes se terminent par cette page, où il y a, si vous le