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Page:Lemaître - Les Contemporains, sér5, 1898.djvu/109

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Ce qui donne encore un air d’artifice à plus d’une page du célèbre explorateur, c’est ce qui aurait pu, tourné autrement, ajouter à la beauté de son récit : ce sont les ressouvenirs de son éducation protestante. Ce n’est peut-être pas sa faute, mais il y a dans son livre, au lieu des involontaires et simples effusions religieuses qu’on y aimerait, il y a comme des morceaux de prêche, très emphatiques et compassés, et qui, dans le récit d’une entreprise commandée par des intérêts si évidemment et si pleinement terrestres, étonnent et semblent plaqués. Cela ne jaillit pas ou, ce qui revient au même pour nous, ne paraît pas jaillir du cœur. On sent que c’est quelque chose de voulu, de convenu, et que l’écrivain a jugé bienséant, à certains endroits, de parler de Dieu.

D’autres fois, c’est un souci de civilisation et d’humanité qui se manifeste tellement à l’improviste que cela fait un peu sourire. Par exemple, il vient de nous peindre des peuplades qui ont des « physionomies répulsives et dégradées à l’excès ». Et tout à coup il ajoute : « Cependant, quelque féroce que soit le caractère des naturels, rétive leur disposition et bestiale leur façon de vivre, il n’en est pas qui ne décèlent des germes de progrès (vous n’aviez pas prévu cette conclusion !), germes grâce auxquels, à une époque future, la civilisation et tous les bienfaits qui en découlent se substitueront à la barbarie. » On a envie de répondre amen. Une pareille réflexion,