Car, il n’est que trop vrai, le nom même de M. Renan est devenu, aux yeux des esprits superficiels, synonyme de scepticisme et de dilettantisme, ces mots étant pris, d’ailleurs, dans leur sens le plus grossier. Beaucoup se le figurent comme une manière de bon vivant et de bon plaisant, qui se moque gravement de tout, et — phénomène bizarre, retour absurde des choses d’ici-bas — on dirait que le vulgaire lui prête un peu des traits de ce banal Béranger, dont M. Renan a, jadis, si durement et dédaigneusement traité la basse « théologie ». Bref, il entre dans l’image que la foule se forme de lui nombre de traits aussi étrangers que possible à sa véritable physionomie, et il lui est arrivé d’être loué pour des choses dont il a toujours eu profondément horreur.
D’où vient un si fâcheux malentendu ?
Peut-être M. Paul Bourget, mal lu par les gens du monde et traduit sans finesse dans leurs conversations, a-t-il contribué sans le savoir à répandre cette idée d’un Renan sceptique et dilettante. Mais, au reste, certaines particularités de la destinée littéraire de M. Renan rendaient ce malentendu inévitable.
L’auteur de la Vie de Jésus est, depuis vingt-cinq ans, professeur d’hébreu au Collège de France. C’est un philologue et un historien. Par la nature de ses travaux, il semblait destiné à n’être connu que d’un groupe d’hommes assez restreint. La gloire qu’il pouvait espérer, c’était une gloire sévère, la