Aller au contenu

Page:Lemaître - Les Contemporains, sér5, 1898.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

minute par minute, ce que souffrent Anne et Olivier ; quand ces deux souffrances se rencontrent et s’avouent, cela est déchirant, — et d’autant plus que chacun d’eux sait le martyre de son compagnon et qu’ils se font mutuellement pitié. La suprême entrevue des deux torturés arrive à un tel degré d’émotion qu’il n’y a rien par delà, ou pas grand’chose : tant le sentiment des obscures fatalités humaines y est douloureux et accablant !

Pas de conclusion. C’est la vie. Chercherons-nous des objections ? Dirons-nous qu’Olivier est un grand fou, qu’il est des passions qu’on s’interdit à son âge, que la comtesse (plus excusable, d’ailleurs) n’a qu’à s’abriter en Dieu, que tout a une fin, qu’il faut savoir vieillir, accepter l’inévitable, et que ceux-là pâtissent justement qui vont contre les volontés de la nature ? Mais la déraison même est dans la nature, et dans la nature aussi les pires folies de l’amour, de l’odieux amour ! Maupassant ne juge ni ne condamne. Il regarde et il raconte.

Il regarde si bien que je ne puis douter de la vérité de son livre (lequel porte en lui-même le témoignage de cette vérité) ; et il raconte si bien que, l’ayant lu voilà trois semaines, j’ai encore le coeur serré en y songeant.