Aller au contenu

Page:Lemaître - Les Contemporains, sér5, 1898.djvu/304

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ma cousine, si nous revenions ou si nous faisions semblant de revenir, par satiété (et en prenant le plus long), à cette incuriosité des yeux, qui d’ailleurs n’excluait pas le plaisir, et dont s’accommodaient si bien nos pères avant Bernardin et Chateaubriand, ces deux agités ; si nous renoncions à ce qu’il y a d’insincérité, de snobisme et de rhétorique apprise dans ce que nous appelons notre « sens du pittoresque », et si, par suite, nous devenions plus attentifs aux âmes, j’entends aux âmes de chez nous, qui sont souvent si curieuses…, croyez-vous que l’exoticaillerie de l’Exposition nous aurait rendu un si mauvais service ?

      *       *       *       *       *
                                       Étretat, 12 septembre.

Ma cousine, il me serait tout à fait impossible de vous dire quelle était la douceur du ciel de septembre hier soir, vers six heures, entre les Ifs et Étretat. Les talus des chemins étaient de velours ; les vaches immobiles qui nous regardaient passer nous conseillaient, par leur exemple, la paix de l’âme ; et la plaine aux larges ondulations se déroulait avec une sérénité divine. À vingt plans différents se déployaient, comme des décors dressés dans tous les sens, des rideaux de hêtres et de peupliers graduellement décolorés par la distance : les premiers, d’un vert généreux et dru ; les