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Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/116

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Mais, à partir de 1816, il s’est mis à écrire, un peu au hasard, des « élégies » qu’il qualifie lui-même de « bagatelles », de juvenilia ludibria. La plupart devaient être médiocres : mais les Méditations étaient au moins en germe dans quelques-unes. « Il a travaillé dix ans le métier, conclut M. Deschanel ; mais le souffle intérieur le pousse : ces petites feuilles volantes, crayonnées en marchant dans le sentier pierreux qui monte de Milly au sommet du Craz, — péchés de jeunesse, à ce qu’il croit, — lui donnent l’absolution de Saül et de Clovis, et l’envoient tout droit à un ciel nouveau, qu’il rencontre, comme Christophe Colomb l’Amérique, sans s’en douter. »

Revenons à la légende. — Lamartine chante. Le monde tressaille à cet hymne d’un poète inconnu et, soudain, tous les cœurs sont à lui. (Voir la Préface et les Destinées de la poésie.)

Dans la réalité, le succès des Méditations fut très habilement préparé, et de très loin. Depuis plusieurs années, Lamartine était fort répandu dans les salons aristocratiques. Des dames s’intéressaient très vivement à lui. Il dit quelque part : « La bonté de Mme de Sainte-Aulaire m’illustrait d’espérance ». Un moment, il eut l’idée de publier son volume par souscriptions : il était sûr de cinq cents souscripteurs, tous du « monde ». Aujourd’hui encore, « le monde », — ou ce qui en reste, — peut beaucoup pour le succès d’un écrivain : jugez de ce qu’il pouvait à cette épo-