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Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/176

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3º Mais sous le Lamartine hindou que nous venons de voir, sous le brahmane ébloui par les phénomènes et prêt à se fondre en eux, l’Occidental, le chrétien, le Bourguignon veille, et tout à coup se ressaisit et oppose son « moi » retrouvé à l’univers délicieux et accablant. Cette reprise se fait, notamment, dans l’ode incomparable : Éternité de la nature, brièveté de l’homme.

« L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant. » (Ce n’est pas ma faute si cette phrase, si belle, est vieille de deux cent trente ans, ou à peu près.) Le cantique de Lamartine exprime, avec une splendeur devant quoi tout pâlit, une idée analogue. Analogue seulement. Pascal disait : « Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser. Une vapeur, une goutte d’eau suffit pour le tuer. Mais quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu’il sait qu’il meurt et l’avantage que l’univers a sur lui. L’univers n’en sait rien. Toute notre dignité consiste donc en la pensée. » Lamartine ajoute à cela quelque chose. Il ne dit pas seulement à la Nature : « Toi, tu ne sais pas ; moi, je sais. » Il lui dit : « Toi, tu ne connais et tu n’aimes pas Dieu (sinon dans les vers des poètes et par un jeu de métaphores dont j’ai moi-même quelquefois abusé) ; moi, je l’aime. » Et, après avoir, dans des strophes impétueuses, salué l’immensité de l’océan, de la terre, des astres et du ciel ; après s’être vu