Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/207

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industrielle et chimiste contemporaine de la barbarie originelle, à laquelle il l’estime même fort inférieure, Lamartine, par un trait de génie, l’a remise à sa vraie place.

Le progrès, s’il se fait, se fera par l’amour, par la charité agissante, par l’empire de l’homme sur soi plutôt que sur la nature, par l’effort de préférer les autres à soi, et par une foi qui nous rende capable de cet effort. Ce ne sont point les rois de Balbeck, — en dépit de leur chimie ou de leur physique plus perfectionnée que la nôtre, — c’est le vieillard Adonaï, et c’est, un peu, Cédar et Daïdha qui portent en eux l’avenir. Tel est le sens du poème.

Ce que seraient les derniers hommes d’une civilisation sans charité (c’est-à-dire, pour lui, d’une civilisation sans Dieu), Lamartine l’a conçu avec une logique audacieuse et candide. Ils ne feraient servir toute leur science qu’à la sensation égoïste. Or, la sensation égoïste par excellence, c’est la luxure. Ils seront donc infiniment luxurieux. Mais il paraît (bien que j’aie peine, pour mon compte, à comprendre ces choses) qu’étant, de sa nature, inassouvissable, la luxure, par la poursuite désespérée de la sensation qui se dérobe, devient inévitablement cruelle. Témoins les Cléopâtre, les Néron, les Marguerite de Bourgogne et les de Sade. Les tyrans-dieux seront donc des sadiques. Il faut nous les montrer tels. Pauvre Lamartine ! Dans quelle aventure s’est-il engagé là !