Aller au contenu

Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/217

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

coule, hurlements, sanglots, douleur élémentaire de la femme devant qui sont martyrisés son époux et son enfant, tout cela pourrait encore ébranler nos nerfs, comme les ébranlent tels tableaux des cruels peintres espagnols, ou les vastes, exactes et lancinantes descriptions de tortures physiques où se complaît Flaubert l’impassible dans Salammbô : les quatre cents mercenaires contraints de s’entr’égorger, le sacrifice à Moloch, l’armée mourant de faim dans le défilé de la Hache, et le supplice de Mathô. (Il serait facile de noter, en passant, plus d’une ressemblance entre la civilisation de Balbeck et celle de Carthage.) — Mais le fait est que, je ne sais comment, l’aventure horrifique d’Isnel et d’Ichmé ne nous émeut guère ; pas plus que ne nous émeuvent les autres atrocités qui s’étalent dans la dernière partie de la Chute d’un ange, et pas plus que ne parviennent à nous intéresser, — je veux dire à nous paraître vivants, — Nemphed, Arasfiel, Sérandyb, ces monstres de méchanceté que le poète innocent peine tant à nous décrire. — Et j’avoue sans doute que la petite pièce jouée devant les tyrans-dieux par des tragédiens sans le savoir n’est point un proverbe de paravent, et que ce mélodrame sommaire, corsé d’une boucherie de cirque, est même un spécimen assez plausible de ce que deviendrait le théâtre dans une société en proie, si je puis dire, à l’extrême civilisation industrielle et matérialiste. Que dis-je ! ces jeux d’arène, ce drame bru-