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Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/243

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y eut d’abord en lui quelque chose de Bernardin de Saint-Pierre et de Chateaubriand, et qu’un peu de la Chute d’un ange a pu passer dans la Légende des siècles et dans les Poèmes barbares, je suis plus sûr encore que, si Lamartine procède de quelqu’un, c’est, comme je l’ai dit à satiété, des anciens poètes hindous, et qu’après Lamartine il n’y eut pas de lamartiniens, sinon négligeables ou ridicules. Donc, il domine notre histoire poétique ; il ne s’y accroche ou ne s’y emboîte qu’imparfaitement. Il a donné à toute la poésie lyrique de ce siècle la secousse initiale, mais de haut. Il se rattache à une tradition beaucoup plus lointaine que Victor Hugo. Celui-ci, homme de lettres accompli, est comme la perfection et l’aboutissement du génie latin. Plus que gréco-latin, l’oriental Lamartine, nullement scribe de cabinet, est proprement un poète arya. Sa poésie est, pour ainsi parler, contemporaine de trente siècles d’humanité indo-européenne ; et les solitaires de l’antique Gange,

                    fleuve ivre de pavots,
  Où les songes sacrés roulent avec les flots,

l’eussent encore mieux comprise que ne firent les salons de la Restauration. Il est, dans son fonds et dans son tréfonds, le poète religieux ; autrement dit le Poète, puisque la poésie, reliant le visible à l’invisible et la fantasmagorie du monde au rêve de