Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/274

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L’inquiétude du mystère, enfin, cela paraît immense, et cela est peu de chose, ou plutôt cela est toujours la même chose. Elle se dégage, — soit directement, soit sous la forme du nihilisme, où si facilement elle se résout, — de toute œuvre qui nous présente, de la réalité, une image un peu poussée et qui ne s’en tient point aux superficies. L’inquiétude du mystère, il n’est pas un écrivain digne de ce nom qui ne l’ait connue. Que dis-je ? Croyez-vous que les imbéciles même l’ignorent ? Bouvard et Pécuchet, ces deux bonshommes que Flaubert chérissait quoique ridicules, et dont il a prétendu faire des sortes de don Quichottes de la demi-science, mais ils ne font que ça, être inquiets du mystère universel !


II

Si donc tout ce que nous admirons chez les récents écrivains du Nord était déjà chez nous, comment se fait-il que, retrouvé chez eux, cela ait paru, à beaucoup d’entre nous, si original et si nouveau ? Est-ce parce que ces écrivains sont de plus grands artistes que les nôtres ? Est-ce parce que leur forme est supérieure à celle de nos poètes et de nos romanciers ?

J’estime que la question est insoluble. Celui-là seul pourrait décerner le prix de la forme, qui posséderait toutes les langues de l’Europe aussi à fond que nous possédons la nôtre, c’est-à-dire de manière