Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/41

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conséquent, des pauvres ; mais ils semblaient préoccupés moins directement de l’âme des pauvres que de celle des riches, et ils gardaient à ceux-ci, malgré leurs vices et leur indignité, une sympathie et une considération involontaires. Ils aimaient le peuple : mais ils le connaissaient à peine, ils ne l’avaient pas vu souffrir, ils n’avaient pas souffert avec lui. Il fut infiniment profitable à Veuillot d’être né de petits artisans, d’avoir été un pauvre petit gosse des rues, d’avoir vu son bonhomme de père maltraité par les patrons, d’avoir assisté et participé aux durs chômages, aux privations, aux angoisses pour le pain du lendemain. Il comprit mieux ainsi pourquoi le peuple est ce qu’il est, que c’est lui, surtout, qui a besoin du Christ, et qu’il est moins coupable que ses guides. Même féroce et impie, le peuple lui inspirera toujours plus de pitié que de colère. Dans ce livre splendide : Paris sous les deux sièges, il écrit, à propos des exécutions sommaires, contre lesquelles il proteste (pour d’autres raisons que les députés de Paris) : «… Devant ces misérables, la société… subit la conséquence horrible de rester sans pitié. Dieu, n’étant jamais sans justice, n’est jamais sans pitié… Parmi les foules qu’il faut engouffrer aux géhennes sociales, se trouvent beaucoup de ces publicains et de ces mérétrices qui entreront avant leurs juges dans le royaume de Dieu. Les anges que Dieu commet à la visite des fanges humaines ne l’ignorent point. Ils y ramassent des perles que