Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/49

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un penseur, cela sans doute en vaut la peine quand on est Descartes, Kant ou Hegel ; autrement, cela n’est ni si rare, ni si éblouissant. Quand on ne peut pas être un penseur, il reste d’être « un homme ». Schérer était, si vous y tenez, plus intelligent que Veuillot : il s’en faut que sa personne intellectuelle, morale, littéraire, soit aussi intéressante. Il y a quelque chose d’extraordinaire chez l’auteur des Libres Penseurs et de Paris sous les deux sièges : c’est, — étant donné sa foi qui le lie et l’emprisonne, — la puissance, la souplesse et quelquefois l’audace avec laquelle il interprète tous les événements, grands et petits, selon cette foi. Cet homme, qui n’est pas un philosophe, n’a que des sentiments d’un caractère universel. Au fond il ne se soucie que de l’humanité et se soucie de toute l’humanité. Il ne lâche point la croix ; mais, du pied de la croix, il a, sur tout ce qui passe, des vues d’une ampleur souvent surprenante. Il n’a qu’une idée, — et dont il n’est pas l’inventeur, — mais génératrice d’idées harmonieuses, à l’infini.

Cela est peut-être aussi beau et aussi rare que d’avoir beaucoup d’idées personnelles qui se contrarient.


VI

Étant l’espèce de catholique que j’ai dit, le rôle de Veuillot dans la société moderne, telle qu’elle est, ne pouvait être que ce qu’il a été : un rôle de combat.