Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/85

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d’Euripide, est évidemment plus grotesque, étant catholique romain. Mais, si cette figure vous offense, d’autres ont de quoi vous retenir. Lucile est un type très vrai, et très finement étudié, de reine de petite ville et de coquette hypocrite et prudente. Je l’appellerais Mme  Tartufe si elle n’était d’esprit laïque. Dans la scène de la clairière, quand elle se déchaîne et laisse éclater, sincère enfin et secouant sa fausse vertu, ce qu’il y a dans son coeur bourgeois de désir brutal, d’égoïsme et de « concupiscence » toute crue (car c’est là, pour Veuillot, le résidu de l’amour proprement « passionnel »), je vous assure que c’est très beau. Il est clair ici que Lucile souffre, et l’auteur, malgré tout, a pitié d’elle. Veuillot a refait, et très bien, la scène de Didon et d’Énée, — avant la grotte et avec une autre Rome à l’horizon. N’importe, il y a dans cet entretien une flamme sombre et des motus deordinati, et plus sans doute que l’écrivain ne l’a voulu. Nous avons beau faire : nous ne détestons pas assez Lucile. Lui non plus peut-être. Il est rentré un instant, bon gré mal gré, dans le roman profane. C’est que la Réalité est une grande païenne…

Un autre endroit a de la grandeur : c’est lorsque le curé de Marsailles, ayant absous Valère, s’agenouille à son tour, se confesse à son pénitent, le remercie de l’avertissement courageux qu’il a reçu de lui sur ses prudences de prêtre-fonctionnaire… Mais vous trouverez que ce sublime-là sent trop la