Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/95

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Considérez aussi qu’un dixième ou un vingtième seulement

des habitants de notre petit astre sont guidés (et, parmi eux, combien y réfléchissent ?) par le symbole de Nicée et les définitions du concile de Trente et que, depuis trois siècles, ce nombre va décroissant. Considérez enfin que, selon votre orthodoxie même (est-ce que je me trompe ?), Dieu a créé la plupart des hommes, non sans doute pour qu’ils fussent damnés, c’est-à-dire éternellement méchants et malheureux, mais sachant qu’ils le seraient. C’est là une idée si épouvantable… que, justement à cause de cela, on finit par se tranquilliser.

Mais, par cela même qu’il y aura toujours, et forcément, des hommes comme moi — et de bien pires — et en très grande quantité, — vous ferez sagement de renoncer, pour aujourd’hui, à la partie terrestre de votre rêve. C’est ce que vous faites d’ailleurs assez volontiers : maintes fois, à la façon des anarchistes, quoique dans une autre pensée, vous prédisez, vous appelez de vos vœux le « chambardement général »… Le plus probable cependant, c’est que la condition humaine s’améliorera peu à peu par la bonté, mais par la bonté simplement humaine, et aussi par cette notion lentement répandue, que l’intérêt de chacun se confond ou tend à se confondre avec l’intérêt de tous, et que l’égoïsme est une duperie. Et le monde ira comme il pourra. Est-ce qu’on ne voit pas que les sociétés même de bri-