Page:Lemaître - Les Contemporains, sér7, Boivin.djvu/105

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

prochaient, soit dans son modeste appartement de Paris, soit à Villeneuve-Saint-Georges, où sa médiocrité de fortune lui avait pourtant permis d’acquérir la maison et le jardin du sage, l’aimaient pour sa bonté, sa douceur, la simplicité de ses mœurs et l’on peut bien ajouter, — car la chose était exquise chez un vieillard, et l’on sait ici le vrai sens des mots, — pour sa naïveté : disposition d’esprit franche et fière, qui n’excluait ni la connaissance des hommes ni la finesse, mais seulement les défiances et les moqueries stériles et le pessimisme d’amateur. Candor ingenuus, comme disaient ses chers Romains.

De telles figures sont bonnes à regarder. Elles rappellent aux âmes inquiètes que, entre les croyances confessionnelles et le doute ou la négation, il reste à la conscience des refuges ; qu’il est toute une vénérable tradition de postulats moraux, sur qui l’on peut dire que, depuis les temps historiques, ont vécu tous les hommes de bien : car ceux mêmes d’entre eux qui n’y croyaient pas ont agi comme s’ils y croyaient, et ceux, qui croyaient à quelque chose de plus croyaient donc à cela aussi. Le probe historien Victor Duruy fut un homme excellemment représentatif de cette tradition, qui fait tout le prix de la longue histoire humaine. Il dit quelque part que les Grecs de la décadence « manquaient de ces fermes assises si nécessaires pour porter honorablement la vie ». Ces assises séculaires, il les eut en lui profondes ; et vous savez si, en effet, il porta la vie