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bilité nerveuse ne soit pas toujours la pitié, il n’en paraît pas moins qu’il y a eu, de nos jours, un certain amollissement des cœurs et quelque diminution de la cruauté. C’est déjà bien assez que nous fassions souvent du mal aux autres sans le vouloir, rien qu’en suivant nos passions ou notre intérêt, ou que nous en fassions volontairement, quelquefois, à ceux que nous haïssons. Mais faire souffrir, par divertissement, ou pour montrer notre force, ceux qui ne nous sont pas ennemis, c’est de quoi je croyais incapable, aujourd’hui, toute âme un tant soit peu affinée.

Telle n’est pas, il faut bien le reconnaître, l’âme de nos polytechniciens. — Imposer à des camarades des souffrances réelles et de réelles humiliations, les contraindre à de stupides et pénibles corvées, les priver de nourriture et de sommeil, — et y trouver plaisir, tranchons le mot : cela est odieux. Un tel plaisir ne se peut expliquer que par un éveil de l’antique férocité animale chez « l’élite de la jeunesse française », et par ce fait qu’une réunion d’hommes est plus méchante et plus inepte que chacun des individus qui la composent (meilleure aussi en certains cas, mais c’est infiniment plus rare).

Quant aux jeunes gens qui supportent cette tyrannie et qui, l’ayant supportée, la réclament encore (« Et s’il me plaît, à moi, d’être battu ? »), — si ce n’est point par terreur qu’ils montrent une si belle patience, c’est donc dans la pensée qu’ils pour-