Page:Lemaître - Les Contemporains, sér7, Boivin.djvu/25

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avoir quelque chose là-dessous. Il se dit, — plus élégamment, car il se piquait d’élégance dans ses propos — : « Sapristi ! où ma femme est-elle allée chercher tout cela ? Ceci n’est point amour en l’air ni paroles de romances. » Et il lui fit, soit de vive voix, soit par lettres (car ces fâcheuses idées lui revenaient plus aigrement quand il était seul) des scènes de jalousie. Et Marceline éplorée lui répondait : « Mais, mon ami, il n’y a rien, je te le jure, rien de rien. C’est Pauline Duchambge et Caroline Branchu qui me content leurs peines ; je me mets à leur place ; et tout ça, c’est de la littérature. »

Valmore se laissait convaincre. Mais sept ans plus tard, au cours d’une autre absence de Marceline, — qui avait alors cinquante-trois ans, — son accès le reprenait. Et elle recommençait son plaidoyer qui est simplement délicieux, et combien habile ! «… La poésie n’est qu’un monstre, si elle altère ma seule félicité, notre union. Je t’ai dit une fois, je te répète ici, que j’ai fait beaucoup d’élégies et de romances de commande sur des sujets donnés, dont quelques-unes n’étaient pas destinées à voir le jour. Notre misère en a ordonné autrement. Bien des pleurs et des plaintes de Pauline se sont produites dans ces vers que tu aimes, et dont elle est, en effet, le premier auteur. Après quoi notre vie a été si grave, si isolée… que je n’ai pas, je te l’avoue, donné une attention bien profonde à la confection de ces livres que notre sort nous a fait une obligation de vendre.