Page:Lemaître - Les Contemporains, sér7, Boivin.djvu/258

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homme à longs cheveux, naïf et timide, organiste à Saint-Séverin ; la petite sœur poitrinaire qui fait des abat-jour ; et la bonne Catherine qui, presque dans le même moment, pioche son piano, coud à la machine, réconforte son père, aide sa petite sœur, et fait le pensum de l’aîné de ses petits frères : immuablement souriante, comme l’automate même de la vertu. Puis, c’est l’entrée de la duchesse, l’effarement du bon organiste, la demande en mariage… et le refus de Catherine.

Mais voilà le malheur. Si Catherine refuse, ce n’est pas du tout parce qu’elle est une fille raisonnable, je veux dire une fille à qui l’idée ne serait jamais venue d’aimer un duc (car, outre que, dans la réalité, l’occasion en est si rare que ce n’est pas la peine d’en parler, ces idées-là ne viennent que quand on le veut bien). Non, c’est que Catherine, un peu auparavant, a engagé sa foi à un brave garçon, Georges Mantel, qui l’aime depuis longtemps, pour qui elle a de l’estime et de l’amitié, et dont les six mille francs d’appointements sauveraient la famille Vallon.

Ici apparaît un des plus graves inconvénients du « romanesque », qui, étant une déformation optimiste du monde réel, ne peut absolument pas souffrir que la vertu soit longtemps malheureuse, et qui, dans son désir de la récompenser, ne s’aperçoit pas toujours qu’il lui communique trop à elle-même ce besoin de récompense et qu’il lui ôte quelques-unes