Page:Lemaître - Les Contemporains, sér7, Boivin.djvu/263

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dans presque toutes les comédies romanesques du second Empire, un Desgenais qui le définissait avec indignation : « Ah ! vous allez bien, vous autres !… La vertu ? Vieux mot ! La famille ? Préjugé ! La patrie ? Rengaine !… » Vous reconnaissez le thème. Le nouveau jeu est simplement le nihilisme moral. Mais il n’est pas toujours tel qu’on le doive prendre au tragique. Il peut y avoir des ahuris, des jocrisses et des bouffons du nihilisme, qui est, à vrai dire, un bien gros mot pour eux. L’art de M. Lavedan, c’est d’avoir rendu leur néant prodigieusement amusant et gai, et d’avoir, dans leur vide profond, fait craquer et pétiller de fugitifs et fantasques feux d’artifice.

Pour cela, il leur a prêté une langue qu’il a en partie inventée ; et c’est peut être là le mérite le plus rare de sa pièce. L’origine de cette langue, c’est l’argot du boulevard, des cercles et aussi de beaucoup de salons, cet argot recueilli, il y a quinze ans, par Gyp, l’étonnante rénovatrice du genre « Vie parisienne ». Mais, au lieu que, dans la réalité, ils se contenteraient d’user docilement des quelques locutions colorées et canailles qu’ils ont apprises, les personnages du Nouveau Jeu en trouvent continuellement d’inédites ; et leur langage est comme un tissu de métaphores cocasses, de synecdoches débraillées, et de familières et violentes hypotyposes. Et Costard, Labosse, Bobette et les autres nous apparaissent ainsi comme des façons de poètes burlesques.