Page:Lemaître - Les Contemporains, sér7, Boivin.djvu/364

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n’être qu’un imbécile ; et je suis tout à fait de cet avis, l’instinct conservateur en politique n’étant pas nécessairement une preuve d’intelligence. Les « soupirs » et les « grands élancements » à faire retourner les fidèles, la terre « baisée à tous moments », et la puce tuée « avec trop de colère », et « Laurent, serrez ma haire avec ma discipline », ce sont donc là des traits tout à fait propres à frapper l’imagination de cet idiot. Les finesses y eussent été fort inutiles. D’ailleurs, la foi fait des miracles de plus d’un genre, et l’on a vu souvent des dévots beaucoup plus intelligents qu’Orgon traiter avec la déférence la plus sincère et la plus aveugle et prendre pour directeur de conscience tel « petit Frère » aussi grossier et trivial que celui de la Rôtisserie de la reine Pédauque

« Mais comment, disais-je encore, un bourgeois comme Orgon, et qui doit avoir les préjugés de sa classe et de son rang, peut-il bien s’entêter à donner sa fille à un ancien mendigot ? Car enfin on ne voit guère qu’un effet ordinaire de la dévotion soit de détourner les bourgeois opulents du souci de marier richement leurs enfants. » J’oubliais (volontairement ? qui sait ?) ces vers d’Orgon :

  Sa misère est sans doute une honnête misère.
  Au-dessus des grandeurs elle doit l’élever,
  Puisqu’enfin de son bien il s’est laissé priver
  Par son trop peu de soin des choses temporelles,
  Et sa puissante attache aux choses éternelles.