Page:Lemaître - Les Contemporains, sér7, Boivin.djvu/40

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apparaître dans une posture qui prête à rire. À la vérité, je trouve que les loustics professionnels, les Vivier, les Sapeck, les Lemice-Terrieux, se sont souvent donné beaucoup de mal pour un fort petit effet. J’ai maintes fois admiré quelle somme d’énergie inepte ils ont dépensée, à quelle longue et patiente dissimulation ils se sont astreints ; et, mettant en balance l’énorme travail des préparations et l’insignifiance du résultat, il me semblait que, dans le fond, ces laborieux mystificateurs étaient peut-être les vrais mystifiés. Toutefois, le plaisir bas, mais réel, de rendre autrui ridicule, ou de l’épouvanter, ou simplement de le faire souffrir, expliquait en quelque manière la peine que prenaient ces bizarres spécialistes, et leurs feintes prolongées, et leurs attentes, et leur endurance de Peaux-Rouges.

Mais je me demande quel plaisir a cherché l’inconnu facétieux qui nous a trompés, M. Lacaussade et moi. Ce n’est pas celui de nous rendre ridicules : la lettre fabriquée était plausible ; elle ne contenait rien de désagréable pour moi ; la rédaction n’en était ni absurde ni incorrecte ; et qu’y avait-il de plaisant à ce que, ne connaissant pas M. Lacaussade et n’ayant jamais vu son écriture, je crusse à l’authenticité de ce billet ? — Quelle a donc pu être la pensée du subtil faussaire ?

Je ne vois que ceci : il a voulu tromper pour tromper, d’une façon toute désintéressée, sans même l’idée d’un effet comique à produire, et sur un point