Page:Lemaître - Les Contemporains, sér7, Boivin.djvu/45

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hommes qui l’ont connue, même les secs, les défiants ou les distraits, aient été bons pour elle. Il leur eût sans doute été difficile d’être autrement : comment ne pas aimer, fût-ce en souriant un peu, cette passionnée tendre, aux propos naïfs et colorés, qui portait en elle un si grand foyer de charité et un si inépuisable trésor d’illusions, cette sainte échappée du chariot de Thespis, et que son indigence et ses habitudes de demi-bohème faisaient si particulière et pittoresque à son insu ? Outre qu’elle aimait naturellement la beauté, le bonheur et le génie des autres, elle aimait encore, dans ses illustres amis, la bonté émue et amusée qu’elle-même leur communiquait dans le temps qu’ils étaient en sa présence.

Je note quelques-unes de leurs apparitions, à mesure que je les rencontre dans la correspondance de Marceline. « On frappe… C’est Dumas lui-même, avec Charpentier ; Dumas, grand comme Achille, bon comme le pain, et qui se baisse en deux pour arriver à me baiser la main… Il est parfait, il a couru de suite à la maison du roi de toutes ses immenses jambes, mais il est rentré désolé. C’était fête, tout fermé. Les démarches étaient remises, et il vient ce matin. » — « J’ai couru à l’Abbaye-au-Bois ; tout ce que tu peux rêver d’affable, de tendre, de bon, de grâce, c’est Mme  Récamier. Elle m’a embrassée dix fois, mais du cœur. Elle est simple… tiens, comme la bonté, c’est tout dire. Elle a tout ensemble vingt ans et soixante ans, et ces deux âges