Page:Lemaître - Les Rois, 1893, éd2.djvu/103

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s’ébauchait en elle. A travers l’immensité des steppes, elle communiait avec l’aïeul qui souffrait là-bas, dans la maison des morts, et, de loin, elle lui envoyait un grand baiser d’amour…

… La comtesse et sa fille quittèrent la ville, et, dès lors, elles menèrent, en Allemagne, en Autriche, en Italie, une vie déracinée de cosmopolites. Madame de Thalberg devenait incapable de se fixer, de se faire un foyer ; elle n’en éprouvait même plus le besoin. Sa paresse ambulante aimait à rouler par les chemins, trouvait un plaisir dans cette existence sans attaches, dans cette vie de sleepings et d’hôtels, dont le spectacle changeant la défendait de l’ennui et qui, la dispensant de tout devoir et de tout souci d’intérieur, lui ménageait juste ce qu’il faut de _home_ pour lire, dormir et rêvasser.

Ce vagabondage international avait pour Frida un double effet. D’une part, l’enfant s’élevait elle-même, se développait sans contrainte, ignorait les préjugés et les conventions que comportent la vie sédentaire et le classement dans une société assise ; elle recueillait peu à peu, sur le vaste monde et les divers aspects de l’humanité, des notions éparses et incomplètes,