Page:Lemaître - Les Rois, 1893, éd2.djvu/112

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Elle la conduisit dans une réunion publique où l’on devait délibérer sur les mesures à prendre pour le prochain anniversaire du 18 Mars. Mais le véritable objet de la réunion était de prononcer et d’entendre des paroles généreuses et violentes, pleines de colère et de rêve…

Audotia prit la parole. Avec une éloquence, de sermonnaire, une diction monotone et chantante qu’une flamme intérieure échauffait graduellement, elle fit une sorte d’oraison funèbre du compagnon Kariskine. Elle dit sa vie et les sacrifices qu’il avait faits à la cause ; elle raconta ses souffrances dans la maison de force. « Or, quel était son crime, compagnons ? » Et elle énuméra ses vertus : elle dit son humanité, sa simplicité, sa haine de l’injustice, son désintéressement, sa douceur enfantine ; elle cita des anecdotes, et, tout à coup :

— J’en atteste sa petite-fille, ici présente !

Tous les yeux se tournèrent vers Frida, assise près de l’estrade, sur l’une des banquettes latérales. En robe noire tout unie, couronnée de sa chevelure rousse flambante, la bouche entr’ouverte sur ses petites dents, elle avait sur son fin visage la lueur des émotions profondes. Des larmes descendaient de ses yeux pâles, et elle