Page:Lemaître - Les Rois, 1893, éd2.djvu/19

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cela une série de mauvaises récoltes, un climat profondément bouleversé : pas un printemps depuis quinze années. L’argent manque. On ne s’en amuse, je crois, que plus furieusement. Chacun semble dire : « Après moi, la fin du monde. »

— Oui… la fin du vieux monde…

Frida dit ces mots d’un accent presque solennel, comme se parlant à elle-même et poursuivant un rêve intérieur.

Renaud répondit :

— Peut-être.

El, après un instant de silence :

— Si je ne me trompe, vous avez habité la France, mademoiselle ?

— Oui, pendant trois ans.

— Et vous l’aimez ?

— De tout mon cœur.

— Pourquoi ?

— Parce que c’est le pays où j’ai trouvé, en somme, le moins d’hypocrisie et le plus de bonté. Et puis tout y arrive cent ans plus tôt qu’ailleurs.

Insensiblement, Frida et le prince Renaud avaient élevé la voix, et le murmure de leur causerie s’était fait perceptible dans le sourd brouhaha de la cérémonie.