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Page:Lemaître - Les Rois, 1893, éd2.djvu/267

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— Oui, mais, pour que les pauvres puissent devenir meilleurs, ne faut-il pas que les riches le deviennent d’abord eux-mêmes ? N’est-ce pas à eux de commencer ?

— C’est vrai. Mais, qu’est-ce que vous voulez ? On ne peut pas les forcer.

— Qui sait ? On peut du moins les obliger à réfléchir… Je crois que c’est là l’idée du prince… Il veut être avant tout le roi des pauvres gens.

— Qu’il soit béni pour cette idée-là ! Mais, voyez-vous, il y a tout de même bien des malheureux qui le sont par leur faute, parce qu’ils ne veulent pas travailler ni obéir. Et ça, on ne peut rien y faire. Enfin, selon moi, monseigneur est trop bon ; il rêve des choses qui ne sont pas possibles, il a des idées qu’on n’a jamais eues dans son rang… Je ne vous fâche pas, madame ?

— Non, Günther…

Frida se taisait. Les réflexions du garde l’avaient frappée. La vie avait été plutôt dure à ce vieil homme : à partir de quatorze ou quinze ans, le travail de la terre, des journées de douze heures pour des récoltes souvent maigres et dont le plus clair était emporté par les fermages ; puis quinze ans à l’armée, trois campagnes