Page:Lemaître - Les Rois, 1893, éd2.djvu/302

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Elle se déroba par un mouvement où survivait un instinct de vierge, mais où sa volonté n’était déjà plus. Elle dénoua les mains de son ami, sans colère ; elle regardait ce pâle, ce triste visage d’homme, aminci vers le bas, cette peau fine, ces sourcils droits, ce signe sur la tempe, cette bouche tourmentée, la lèvre inférieure saillante un peu et froncée de petits plis… Il lui semblait qu’elle voyait cela pour la première fois, et elle comprenait que c’était _cela_ qu’elle aimait…

Elle fit effort pour se rappeler où ils étaient et se souvint tout à coup de ce qu’elle avait promis à Audotia. Et, bien qu’Audotia lui apparût alors très lointaine, elle se dit qu’elle devait accomplir sa promesse, mais que, d’ailleurs, les moyens par lesquels elle la pourrait accomplir étaient aussi ceux qui lui livreraient à elle seule et pour toujours l’homme qu’elle adorait. Et, ainsi, un peu de ruse de femme se mêlant aux sincères résistances de sa pudeur et peut-être de sa jalousie subitement éveillée à l’égard de la princesse, elle n’aurait su dire si elle mettait cette ruse au service de son amour ou de son devoir, tel que la vieille prêtresse le lui avait dicté.

— Hermann, répondit-elle, tout mon cœur vous