Page:Lemaître - Les Rois, 1893, éd2.djvu/32

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je ne perçois en moi aucune empreinte surnaturelle. Non, en vérité, je n’ai point ce sentiment d’une onction divine, analogue, je suppose, à celui qui doit remplir l’âme des prêtres croyants.

— Ce sentiment, dit le roi, priez Dieu de vous le donner, et Dieu vous le donnera.

— Dieu ! laissa tomber Hermann.

— Ne croyez-vous pas en Dieu ? fit impérieusement le vieux roi.

Hermann baissa les yeux et ne répondit point. Christian pétrissait de ses doigts maigres les bras du fauteuil de son ancêtre Otto III, qui, croyant en Dieu et sentant Dieu avec lui, fit mourir cinq cent mille hommes sur les champs de bataille, conquit de vastes territoires et fut un grand prince.

— Pardonnez-moi, mon père, reprit doucement Hermann, et rassurez-vous. Je crois à mon devoir, et je crois à mon droit. Si je n’ai pas, comme mes ancêtres, la claire conscience d’être directement investi par un dieu empereur des rois, je me sens investi par ces ancêtres eux-mêmes et par les générations qui leur ont obéi à travers les âges. Mon droit, s’il ne me vient pas du ciel, me vient du passé, et, s’il ne me vient pas d’en haut, il me vient d’en bas.