Page:Lemaître - Les Rois, 1893, éd2.djvu/45

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complaisance dans le sentiment de sa naissance et de son rang ; c’était une béatitude d’orgueil inexprimé, qu’il percevait, lui, à travers les moindres actes et chacune des paroles de cette fille d’archiduc ; c’était de sentir que Wilhelmine avait beau être douce et bienveillante aux petits, elle s’estimait d’une essence irréductiblement supérieure à ce qui n’était pas de sang royal ; que la foi religieuse et la piété de la charmante femme n’y pouvaient rien ; que les maximes chrétiennes sur l’égalité devant Dieu ne seraient jamais pour elle que des formules vides qu’elle répétait des lèvres et que, bonne et compatissante aux hommes, jamais, jamais elle ne leur serait « fraternelle ». Et, de constater à chaque instant, chez l’honnête princesse, cette conscience sereine de la préexcellence de sa nature, de voir s’épanouir stupidement en elle un sentiment qu’il s’était acharné à déraciner de son propre cœur, cela remuait chez le prince quelque chose, vraiment, comme une colère haineuse de démagogue…

Le divorce était donc complet entre sa vie extérieure et ses pensées intimes. Son père étant souvent malade, il avait été obligé, dans les derniers temps, en sa qualité de prince héritier,