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Page:Lemaître - Les Rois, 1893, éd2.djvu/79

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elle croit que le règne de la justice ne saurait s’établir sans un peu de violence. Ou, plutôt, elle ne réfléchit pas, elle va où son cœur la pousse. C’est peut-être une folle, comme on l’appelle, mais c’est une grande âme.

— Vous la connaissez donc ?

— Je l’ai connue à Paris, au temps de ma pauvreté.

— Vous ne me l’aviez pas dit, Frida.

— J’attendais que vous fussiez tout-puissant. Jamais le roi, même à votre prière, n’eût voulu gracier Audotia Latanief.

— Et vous croyez que, moi ?…

— Oui, monseigneur, je crois, je suis sûre que vous lui ferez grâce. Elle a été bonne pour moi : c’est elle qui m’a appris à vénérer la mémoire de mon grand-père mort en Sibérie… Je sais bien, moi, qu’Audotia est une sainte. Cette femme, qui ne rêve que bouleversement social, est la douceur, la charité même. Je la vois encore, sous sa robe noire, et je l’entends maudire le vieux monde et en annoncer la destruction de la voix lente et paisible d’une religieuse qui récite ses prières. Elle n’avait rien à elle : elle était la mère des pauvres et la sœur des malades… Enfin, monseigneur, je vous jure qu’Audotia est bonne, bonne comme vous