Page:Lemaître - Poésies, 1896.djvu/175

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

157
lares

Je sens en moi — quittant la belle Cunégonde
Qui, violée autant qu’on peut l’être ici-bas,
Effeuilla sa pudeur dans l’un et l’autre Monde —
Sourdre un rire lugubre et qui n’aboutit pas.

Et ce pauvre Candide, est-il assez à plaindre.
Cet étonnant garçon simple comme les fleurs,
Qui, n’ayant jamais su ni soupçonner ni feindre,
S’aventure en riant dans l’antre des voleurs !

Cœur sensible, telle est sa sombre destinée
Qu’il occit, accusant le Sort provocateur
(Dure nécessité pour une âme bien née),
Un bon Père, un vieux Juif, un Grand Inquisiteur !

Et s’il retrouve, au bout de ses vicissitudes,
Sa Dame qu’il laissa belle comme le jour,
Cunégonde a servi sous tant de latitudes
Que ses appas usés feraient vomir l’amour.

Et la vieille sans fesse, et qui naquit d’un pape,
De corsaires en Turcs pauvre corps ballotté !
Et Pâquette à Pangloss ouvrant sa chausse-trape,
Corolle où gît le ver d’Amérique importé !