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la lyre d'orphée

Réveillant le poète, il lui mit à la main
La merveilleuse Lyre aux fils rouges et tièdes,
Et dit : « Joue à présent, maître, et va ton chemin ! »

A sa voix se leva le prince des Aèdes,
Et son Luth animé, plein de souffles ardents,
Si douloureusement vibra sous ses doigts raides,

Que les tigres rayés et les lions grondants
Le suivaient attendris, et lui faisaient cortège,
Doux, avec des lambeaux de chair entre les dents.

Chœur monstrueux conduit par un divin Chorège !
Les grands pins, pour mieux voir l’étrange défilé,
En cadence inclinaient leurs fronts chargés de neige.

Les gouttes de son sang sur le Luth étoilé
Brillaient. Charmant sa peine au son des notes lentes,.
L’Aède, fils du Ciel, se sentit consolé :

Car tout son cœur chantait dans les cordes sanglantes.