Page:Lemaistre de Sacy - La sainte Bible, Furne, 1841, vol 3.djvu/184

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Baruch, né d'une famille illustre, selon Josèphe, étoit fils de Nérias, et petit-lils de Maasias, et ainsi frère de Saraïas surnommé (chap. u de Jérémie, v. 59) prince de la prophétie, autrement chef de l'armée ; ou, selon d'autres, chambellan du roi Sédécias. Il se lia très-étroitement d'amitié avec Jérémie dès le commencement du règne de Joachim, fils de Josias ; il le suivit comme son maître, fut diverses fois son secrétaire, et se rendit dans la suite le compagnon de tous ses travaux et de toutes ses peines ; enfin il l'accompagna lorsque Johanan l'emmena en Égypte, et y demeura avec lui, à ce que l'on croit, jusqu'à sa mort. On ne peut douter que Baruch n'ait écrit ses prophéties à Babylone, mais il est difficile de déterminer le temps pendant lequel il le fit. Il est dit au v. t du chap. i qu'il les écrivit étant à Babylone, le septième jour du mois de la cinquième année depuis que les Chaldéens eurent pris et brûlé la ville de Jérusalem ; qu'il les lut devant Jéchonias, roi de Juda, et devant tout le peuple, près du Dcuve de Sod : mais ces paroles, qui auraient du fixer les sentiments, n'ont servi qu'à les diviser, par les difficultés qu'il y a de concilier ces circonstances avec quelques endroits de ses prophéties, ch. i, v. 7 et suiv., où il est fait mention d'Helcias, grand-prètre, des sacrificateurs, du temple, et des sacrifices qu'on devoit offrir pour Nabuchodonosor et Baltassar son fils ; d'où quelques interprètes ont conclu que Baruch a écrit avant la ruine totale de Jérusalem et du temple, dans le voyage qu'ils supposent qu'il fit à Babylone avec Saraïas son frère, lorsqu'il y accompagna le roi Sédécias (Jérémie, chap. u, v. 59) ; et ils ajoutent qu'on doit compter la cinquième année de la prise de Jérusalem depuis la captivité de Jéchonias, et non pas depuis la prise de cette ville. D'autres s'appuient sur ce qu'il est dit au chap. i, v. 2, que Jérusalem fut brûlée ; et sur ce qui est rapporté au chap. n, v. 3, 7, 25 et 27, de la destruction de Jérusalem et de soû temple, et soutiennent que Baruch n'a quitté Jérémie qu'après sa mort ; qu'il n'est fait aucune mention de Baruch dans le voyage que Saraïas fit à Babylone ; et qu'il est trèsvraisemblable qu'il n'a écrit ses prophéties que lorsque, Nabuchodonosor ayant vaincu les Égyptiens, ce prophète se trouva au nombre des captifs qui furent emmenés à Babylone. Sur ces différents sentiments il n'est pas aisé de se déterminer, ni de décider, d'autant qu'il reste de part et d'autre diverses circonstances qu'il est difficile d'accorder avec le temps de la mort de Jérémie et ses dernières prophéties, et avec certains faits marqués dans le premier et le second chapitre de Baruch. On ne doute point que ce prophète n'ait écrit en hébreu, mais on n'en trouve aucun exemplaire ; et ses prophéties seraient entièrement inconnues, si elles ne nous avaient été conservées dans la version grecque, sur laquelle il y a toute apparence qu'on a fait depuis les versions syriaques, ainsi que la latine. U faut même que la perte de l'original hébreu soit fort ancienne, puisqu'il ne nous parolt point que les Juifs l'aient inséré dans leur canon : il est vrai que quelques-uns ont prétendu que le livre de Bahuch y étoit compris sous le nom de Jébémie, d'autant qu'anciennement ces deux livres n'en faisaient qu'un ; que c'est ainsi que plusieurs des anciens Pères l'ont souvent cité : mais si cela est véritable à l'égard de ces derniers, il ne l'est pas ainsi à l'égard du canon des Juifs ; autrement le texte hébreu de Baruch se seroit trouvé encore aujourd'hui inséré avec celui de Jérémie, ce qui n'est pas. C'est aussi sur cette incertitude que quelques anciens Pères ne se sont pas cru permis de mettre le livre de Baruch au rang de ceux qui étaient certainement dans le canon des Juifs, quoiqu'ils le crussent reçu d'ailleurs par le consentement unanime de l'Église comme un li»re dicté par le Saint-Esprit ; sentiment qui est confirmé par les deux conciles généraux de Florence et de Trente (voyez le cardinal Bellarmin, de Verbo Dei, lib. I, c. vm).