Page:Lemaistre de Sacy - Nouveau testament, Mons, 1667, vol 1.djvu/43

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& comme elles sortent de sa bouche estant pleines du feu de son cœur, elles touchent aussi & embrasent le cœur de ceux qui le lisent. C’est pourquoy ce S. Docteur dit excellemment, que les Payens ont suivi l’eloquence, mais que l’eloquence a suivi les Chrestiens. On s’est donc efforcé de s’attacher de telle sorte à la lettre & aux paroles de ce S. Apostre, qu’on n’étouffast pas tout ce feu & cette vigueur que S. Augustin remarque & admire en luy ; & qu’estant vif & animé dans sa langue naturelle, il ne parust pas languissant & comme mort dans la nostre. Mais on a considéré en même temps cette règle excellente du même Pere, qu’un discours n’est eloquent que lorsqu’il est proportionné à celuy qui parle : Non est enim eloquentia, qua persona non congruit eloquentis ; & que si le discours d’un Roy pour estre éloquent doit estre différent de celuy d’un particulier, à plus forte raison celuy de Dieu même, & de ceux qui ont parlé par son Esprit, doit estre différent de celuy des hommes. Ainsy on a tasché d’éviter avec un extrême soin toutes les paroles qui pouvoient paroistre avoir quelque chose d’humain & de recherché ; & on a eu soin d’employer partout les expressions les plus simples & les plus naturelles. Car on se seroit servi beaucoup plustost de quelque terme moins en usage, mais qui auroit esté sort propre à rendre le sens que d’en employer un fort élégant, mais qui eust paru avoir quelque chose qui ne fust pas assez digne de la simplicité d’un Apostre, & de la gravité de la parole de Dieu. C’est pourquoy on n’a pas fait de difficulté de se servir de quelques termes & de quelques liaisons qui pourront paroistre moins elegantes sans crainte de déplaire à quelques-uns, qui s’imagineront peutestre qu’on a dû rechercher en cela un agrément qu’on a méprisé à dessein, &