Page:Lemercier - Le Chemineau et le Gruyère, 1927.djvu/3

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Mais l’hôte lui dit : « Je ne peux
Vous héberger dans l’écurie,
Mes chevaux se battent entre eux
Chaque nuit, c’est une tuerie ».

L’hôtesse objecta : « Pauvre gueux !
Dehors, c’est la neige et la glace !
Couchons-le donc entre nous deux,
Si maigre, il tiendra peu de place ? ».

Tous les trois, les voilà couchés,
Mais les chevaux font grand tapage,
Plusieurs, qui se sont détachés,
Menacent de faire un carnage.

Le fermier ronchonne : « Je vais,
De ce pas, y mettre bon ordre,
Mon percheron est si mauvais
Qu’il est capable de les mordre ! ».

Voilà notre gueux dans le lit,
Seul avec la fermière accorte.
Or, sans craindre un flagrant délit,
Dès que l’autre a fermé la porte,

La dame soupire : « Allez-y !
Profitez de sa courte absence ! ».
Mais le chemineau, cramoisi,
Hésite, plein de réticence.

La femme insiste de nouveau :
« Allez-y, bon sang ! » Et se pâme.
Alors le brave chemineau
Lui dit, les yeux remplis de flamme :

« Soit ! Vous le voulez à tout prix,
« J’exaucerai votre prière ! ».
Et, comme il n’avait pas compris
Il alla finir le gruyère.



Eugène LEMERCIER.



S. E. M. F. A. 619