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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

Mais coiffure légère et jeune, car, ce soir,
Il s’agit de danser, et non pas de s’asseoir
Sur le rouge velours de ces mornes banquettes
Où gisent les débris des anciennes coquettes.
Donc, point de hauts turbans, aux aigrettes en pleurs,
Point d’or, point de rubis… des fleurs, et puis des fleurs !
Quelque rose mêlée à ces cheveux d’ébène
Nattés en rond, ainsi qu’une dame thébaine ;
Ou quelque plume encor, blanc panache du bal,
Enseigne de danger, comme un cimier royal.

Que si par un oubli funeste à la toilette,
Batton a renvoyé sa corbeille incomplète,
Oh ! les fleurs pour cela ne vous manqueront pas !
La danseuse est déesse, il en naît sous ses pas.
Regardez ! vous n’avez que l’embarras du nombre.
Quelque souci jaunâtre y répand-il son ombre ?
Poussez cet étranger du pied avec dédain,
Et rapportez-le moi… J’en ai tout un jardin.

Mais qu’importe, pourvu qu’elle soit belle et gaie,
Qu’elle ait de doux propos l’oreille fatiguée,
Qu’elle jette, en tournant, son charme à vingt miroirs,
Et se fasse un bonheur de tous nos désespoirs ;
Pourvu qu’après le bal, quand de retour chez elle
Madame ira trouver son lit de demoiselle,
Elle dise, en rouvrant mes vers à peine lus :
« C’est lui que j’oubliais, et qui m’aime le plus. »


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