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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Que Dieu vous garde, ami ! — Mais lorsque vous aurez
Franchi monts et vallons, et fleuves azurés,
            Villes et vieilles citadelles,
La vermeille Orléans, er les âpres rochers
D’Argenton, et Limoge aux crois sveltes clochers
            Pleins de cloches et d’hirondelles ;

Et Brive et sa Corrèze, et Cahors et ses vins,
Où naquit Fénelon, le cygne aux chants divins,
            Qui nageait aux sources d’Homère, —
Arrêtez un moment votre char agité
Pour voir la belle plaine où le More a jeté
            La blanche cité, votre mère.

Ces plaines de parfums, cet horizon fleuri,
L’Aveyron murmurant, des pelouses chéri,
            Le Tescoud aux grèves pensives,
Le Tarn fauve et bruyant, la Garonne aux longs flots,
Qui voit navires bruns et verdoyants îlots
            Nager dans ses eaux convulsives ;

Et puis, voyez là-bas, à l’horizon, voyez
Ces grands monts dans l’azur et le soleil noyés :
            On dirait l’épineuse arête
D’un large poisson mort entre les océans,
Ou bien quelque Babel, ruine de géants,
            Dont la foudre ronge la crête.

Non, ce mur de granit qui clôt ce bel Éden,
C’est Charlemagne, c’est Roland le paladin,
            Qui lui fit ces grandes entailles ;
Qui tronqua le Valier, blanc ce pyramidal,
En faisant tournoyer sa large Durandal
            Contre les Mores aux batailles.