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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Avril, pour m’y coucher, m’a fait un tapis d’herbe ;
Le lilas sur mon front s’épanouit en gerbe,
                    Nous sommes au printemps.
Prenez-moi dans vos bras, doux rêves du poète,
Entre vos seins polis posez ma pauvre tête
                    Et bercez-moi longtemps.

Loin de moi, cauchemars, spectres des nuits ! Les roses,
Les femmes, les chansons, toutes les belles choses
                    Et tous les beaux amours,
Voilà ce qu’il me faut. Salut, ô Muse antique,
Muse au frais laurier vert, à la blanche tunique,
                     Plus jeune tous les jours !

Brune aux yeux de lotus, blonde à paupière noire,
Ô Grecque de Milet, sur l’escabeau d’ivoire
                    Pose tes beaux pieds nus ;
Que d’un nectar vermeil la coupe se couronne !
Je bois à ta santé d’abord, blanche Théone,
                    Puis aux dieux inconnus.

Ta gorge est plus lascive et plus souple que l’onde ;
Le lait n’est pas si pur, et la pomme est moins ronde.
                    Allons, un beau baiser !
Hâtons-nous, hâtons-nous ! Notre vie, ô Théone,
Est un cheval ailé que le Temps éperonne ;
                    Hâtons-nous d’en user.

Chantons Io, Péan !… Mais quelle est cette femme
Si pâle sous son voile ? Ah ! c’est toi, vieille infâme !
                    Je vois ton crâne ras.
Je vois tes grands yeux creux, prostituée immonde,
Courtisane éternelle environnant le monde
                    Avec tes maigres bras !


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