« Dieu juste ! m’écriai-je, à ma soif dévorante
Le désert n’offre point de source bienfaisante.
Je suis l’arbre isolé sur un sol malheureux,
Comme en un vaste exil, placé dans la nature ;
Elle n’a pas d’écho pour ma voix qui murmure
Et se perd dans les cieux.
« Quel mortel ne sait pas, dans le sein des orages,
Où reposer sa tête, à l’abri des naufrages ?
Et moi, jouet des flots, seul avec mes douleurs,
Aucun navire ami ne vient frapper ma vue,
Aucun sur cette mer où ma barque est perdue,
Ne porte mes couleurs.
« Ô douce illusion ! berce-moi de tes songes ;
Demandant le bonheur à tes riants mensonges,
Je me sauve, en tremblant, de la réalité ;
Car, pour moi, le printemps n’a pas de doux ombrages ;
Le soleil est sans feux, l’Océan sans rivages,
Et le jour sans clarté ! »
Ainsi pour égayer son ennui solitaire,
Quand Dieu jeta le mal et le bien sur la terre,
Moi, je ne pus trouver que ma part de douleur ;
Convive repoussé de la fête publique,
Mes accents troubleraient l’harmonieux cantique
Des enfants du Seigneur.
Ah ! si je ressemblais à ces hommes de pierre
Qui, cherchant l’ombre amie et fuyant la lumière,
Ont trouvé dans la vie un facile plaisir !…
Ceux-là vivent heureux !… Mais celui qui dans l’âme
Garde quelque lueur d’une plus noble flamme,
Celui-là doit mourir.
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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.