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CHÊNEDOLLÉ.

De ses plus verts gazons la terre était parée.
Le crocus au front d’or, l’hépathique empourprée,
Jetés sur la verdure en bouquets éclatants,
Embellissaient déjà la robe du printemps.
Partout germaient, naissaient, et se hâtaient d’éclore
Les riantes tribus du royaume de Flore,
L’hyacinthe qui s’ouvre aux feux d’un soleil pur,
Et l’aimable pervenche aux pétales d’azur,
Et l’humble violette à l’haleine embaumée.
Mille arbres, des jardins parure accoutumée,
Reprenant à la fois leurs vêtements de fleurs,
Semblaient rivaliser d’éclat et de couleurs.
Des oiseaux ranimés les légères familles,
Ou suspendaient leurs nids aux dômes des charmilles,
Ou, cachés dans le sein des odorants buissons,
Faisaient retentir l’air de leurs douces chansons.
Le froment, jeune encor, sans craindre la faucille,
Se couronnait déjà de son épi mobile,
Et, prenant dans la plaine un essor plus hardi,
Ondoyait à côté du trèfle reverdi.
La cerisaie en fleurs, par avril ranimée,
Emplissait de parfums l’atmosphère embaumée.
Et des dons du printemps les pommiers enrichis
Balançaient leurs rameaux empourprés ou blanchis.


Oh ! comme alors, quittant le sein bruyant des villes,
On aimait à fouler les campagnes fertiles !
Que les prés étaient beaux ! Que les yeux enchantés
Erraient avec plaisir sur leurs fraîches beautés !
À l’aspect des trésors que la terre déploie,
Les laboureurs, comblés d’espérance et de joie,
Répétaient à l’envi que, depuis quarante ans,
Aucun d’eux n’avait vu de plus riche printemps.