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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Et du morne Empyrée insultant la détresse,
Comme au bord d’un grand lac aux flots étincelants,
Dans le lait lumineux perdu par la Déesse,
Tes martyrs couronnés lavaient leurs pieds sanglants.

Tu régnais, sans partage, au ciel et sur la terre ;
Ta croix couvrait le monde et montait au milieu ;
Tout, devant ton regard, tremblait, — jusqu’à ta mère
Pâle éternellement d’avoir porté son Dieu.

Mais tu ne savais pas le mot des destinées,
Ô toi qui triomphais, près de l’Olympe mort ;
Vois : c’est le même gouffre… Avant deux mille années
Ton ciel y descendra — sans le combler encor !

Tu connaîtras aussi, ployé sous l’anathème,
La désaffection des peuples et des rois,
Si pauvre et si perdu que tu n’auras plus même,
Pour t’y coucher en paix, la largeur de ta croix !

Ton dernier temple, ô Christ, est froid comme une tombe :
Ta porte n’ouvre plus sur le vaste Avenir ;
Voilà que le jour baisse et qu’on entend venir
Le vieux prêtre courbé, qui porte une colombe !

(Dernières Chansons)
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LES NEIGES D’ANTAN


 

I




Ce siècle froid et sérieux
Ne croit plus aux folles chimères ;
Ils sont passés les temps joyeux
Dont nous ont parlé nos grand’mères !