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Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t2, 1887.djvu/201

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JULES BARBIER.


Au nom du Créateur un prêtre calomnie
              Ces roses prêtes à s’ouvrir ;
Le printemps de nos jours n’est pas une agonie ;
              Nous ne vivons pas pour mourir !

Vivons pour honorer en son plus bel ouvrage
              Ce Dieu qui nous donna le jour,
Pour jouir du soleil sans craindre le naufrage,
              Pour nous bercer dans notre amour !

Aimons-nous, ma Lesbie !… En ton cœur laisse croître
              Cette foi sans dogmes malsains,
Plus féconde, crois-moi, qu’une vertu de cloître,
              Bonne au plus pour des capucins !

Les bois sont pleins d’oiseaux, les jardins pleins de roses !
              Comme nous, ils mourront, hélas !
Mais ils chantent gaîment, mais elles sont écloses,
              Sans que le ciel sonne leur glas !

Attache à tes cheveux cette fleur d’anémone ;
              La nature n’est pas en deuil.
Si quelque malheureux tend la main, fais l’aumône ;
              Qu’il passe en bénissant ton seuil !

Coule en paix, coule heureux, ruisseau de notre vie,
              En reflétant l’azur des cieux !
Que le gazouillement de tes eaux fasse envie
              Aux grands fleuves silencieux !

Sans redouter la mer qui bornera sa tâche,
              Porte-lui ton flot voyageur !
Si l’on a bien vécu, faut-il mourir en lâche,
              Pour satisfaire un Dieu vengeur ?