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LOUIS RATISBONNE.


LE FILS INGRAT




La pauvre source soupirait
En voyant s’éloigner le fleuve.
« De mon fils je vais être veuve ! »
Et goutte à goutte elle pleurait.

« Ne soyez donc pas inquiète !
Je vous promets de revenir,
Quand j’aurai fini de courir. »
Il part sans détourner la tête !

Voilà mon fleuve ambitieux
Qui fait son chemin dans le monde,
Grossissant en route son onde
De tous les ruisseaux vaniteux.

Gonflé par la pluie et la neige,
Par la rivière et le torrent,
Il s’écriait tout en courant :
« Me voilà roi ! j’ai mon cortège ! »

Et plus avant il s’en allait
Sans jamais ralentir sa course,
Et l’ingrat oubliait la source
Qui loin de lui se désolait !

« L’humble mère qui m’a fait naître
Sous le petit rocher, là-bas,
Se disait-il un jour tout bas,
Ne pourrait plus me reconnaître. »