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Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t2, 1887.djvu/254

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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Nous pourrons évoquer tous deux
Votre printemps et ma jeunesse ;
J’ai trente ans, et même un peu mieux,
Vous dix-sept, sans qu’il y paraisse !

J’ai senti, parfum à parfum,
Fleurir les jours de votre enfance,
J’ai vu s’éveiller, un à un,
Les charmes de votre innocence.

Comme l’abeille du matin
Sur le lis que son aile touche,
J’ai vu se poser enfantin
Le sourire sur votre bouche.

Auprès du foyer paternel
Vous demandiez à ma mémoire
Quelque récit surnaturel
Que vous appeliez : une histoire !

Vous cherchiez d’un air curieux
Les salamandres dans la flamme,
Et moi, dans le fond de vos yeux,
Je regardais passer votre âme !

J’étais trop heureux de conter
Cent merveilles pour un sourire,
Et je parlais sans m’arrêter,
Moi qui ne sais plus rien vous dire !

Je prenais vos petites mains
Dans la mienne, et, toute tremblante,
Vous pensiez à mes noirs lutins,
À la fois peureuse et charmante !