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FÉLIX FRANK.

 
« Jadis il existait des foyers toujours stables :
Qui les avait quittés, y pouvait revenir ;
C’est de là que sortaient ces âmes indomptables
Dont le passé puissant ombrageait l’avenir.

« Aujourd’hui la maison est une hôtellerie :
On arrive, on se couche, on s’éveille, et l’on part ;
Et d’aucuns aujourd’hui veulent que la Patrie
Soit une auberge aussi, dédiée au hasard !

« Et pourtant le Progrès et la libre Justice
N’exigent pas que l’homme erre jusqu’à la mort ;
Et pourtant il est bon que chacun se bâtisse
Un nid, pour y garder tout ce qu’il tient du sort !

« Mais c’est la loi de l’or, — c’est le gain, — c’est la fièvre
De ce siècle agité d’un étrange tourment,
Qui partout nous poursuit, et nous chasse, et nous sèvre
De ce bonheur si pur, si calme et si charmant !

« Donc rien n’est ferme et fort désormais, rien ne dure :
Et comme un vil bagage, à l’aventure, on va
Cahotant son passé dans la lourde voiture
Qu’au premier coin de rue — hier au soir — on trouva.

« En route ! Voici l’heure et le logis est vide :
Rêves, propos émus, passé vivant… adieu ! —
C’était un vieux logis où vint plus d’une ride ;
Mais l’âge, dans les cœurs, y retardait un peu.

« C’était un vieux logis dans une étroite rue,
Tout petit et perché bien haut sur l’escalier ;
Mais un flot de soleil y réchauffait la vue
En frappant, le matin, au carreau familier. »