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Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t2, 1887.djvu/323

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ARISTIDE FRÉMINE.


Ces aunes sont bien bas et ces frênes aussi,
Qui se blottirent là pour braver les tourmentes ;
Le ruisseau, que la mer boit à deux pas d’ici,
Coule sans nul murmure et voilé par les menthes.

Mais son lit est profond ; à coup sûr, en hiver,
C’est un petit torrent qui bruyamment chemine :
À cette heure il s’en va par son étroit pré vert,
Muet comme le roc qui là-haut le domine.

L’atmosphère est brumeuse, et l’horizon finit
Tout près, sur le dos plat de la mer argentée.
Elle berce en chantant cet îlot de granit
Qui plaît aux souvenirs dont ma tête est hantée.

De grands tapis, couleur de pourpre et de safran,
Que des ajoncs tout ras et la bruyère tissent,
Tombent le long des caps jusque dans l’Océan
Où des brouillards d’azur aux brises faibles glissent.

Et j’éprouve une joie intime en me voyant
Bien seul, perdu dans l’ouest comme une vaine chose,
Assis au creux désert du ravin verdoyant
Que la falaise encadre aride et grandiose…

Mais soudain j’aperçois, échappés des sillons
Et des friches, posés au bout de chaque tige,
Aux pointes des rochers, de nombreux oisillons
Dont la troupe inquiète aux alentours voltige.

Sous les arbres blottis près des amères eaux
Je me lève, et reprends mon bâton et ma course :
Aussitôt dans le vol un joyeux cri d’oiseaux
Éclate, et je les vois qui boivent à la source.