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LÉON DIERX.

Les œuvres poétiques de Léon Dierx comprennent : Les Lèvres closes (1868), Les Paroles du Vaincu (1871), Poésies complètes (1872), Les Amants (1879). Elles ont été publiées par A. Lemerre.




LAZARE




À la voix de Jésus Lazare s’éveilla ;
Livide, il se dressa debout dans les ténèbres ;
Il sortit tressaillant dans ses langes funèbres,
Puis, tout droit devant lui, grave et seul s’en alla.

Seul et grave, il marcha depuis lors dans la ville,
Comme cherchant quelqu’un qu’il ne retrouvait pas,
Et se heurtant partout, à chacun de ses pas,
Aux choses de la vie, à la plèbe servile.

Sous son front reluisant de la pâleur des morts,
Ses yeux ne dardaient pas d’éclairs ; et ses prunelles,
Comme au ressouvenir des splendeurs éternelles,
Semblaient ne pas pouvoir regarder au dehors.

Il allait, chancelant comme un enfant, lugubre
Comme un fou. Devant lui la foule s’entr’ouvrait.
Nul n’osant lui parler, au hasard il errait,
Tel qu’un homme étouffant dans un air insalubre.

Ne comprenant plus rien au vil bourdonnement
De la terre ; abîmé dans son rêve indicible ;
Lui-même épouvanté de son secret terrible,
Il venait et partait silencieusement.