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Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t2, 1887.djvu/388

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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Les antiques héros admireraient notre âge
Pour le nouvel emploi qu’on y fait du courage,
Et nous leur citerions le vôtre avec orgueil.
Mais l’orgueil consterné devant la mort s’efface
Pardonnez au premier que votre belle audace
Et l’amour de l’azur arrachèrent au deuil.


*
*       *


Tout vivant n’a qu’un but : persévérer à vivre ;
Même à travers ses maux il y trouve plaisir ;
Esclave de ce but qu’il n’eut point à choisir,
Il voue entièrement sa force à le poursuivre.

Ce qui borne ou détruit sa vie, il s’en délivre,
Ce qui la lui conserve, il tâche à s’en saisir ;
De là le grand combat, pourvoyeur du désir,
Que l’espèce à l’espèce avec âpreté livre.

Ou tuer ou mourir de famine et de froid,
Qui que tu sois, choisis : sur notre horrible sphère,
Nul n’évite en naissant ce carrefour étroit.

Un titre pour tuer, que le besoin confère,
Où la nature absout du mal qu’elle fait faire,
Un brevet de bourreau, voilà le premier droit.


(Extrait du poème La Justice)